15.6.10

Dushanbe (Tadjikistan), le 15 juin 2010

Me voilà à l'aube d'un beau et long voyage qui s'annonce déjà plein d'imprévus... La situation au Kirghizstan s'aggravant sévèrement, et le sud du pays étant relativement impraticable, je suis déjà obligée de changer complètement mes plans. En effet, ceux-ci me menaient tout droit sur Osh, là où Kirghizes et Ouzbèks se tirent dessus. Comme il n'y a bien souvent qu'une route possible, tout changement de plan est extrêmement compliqué. Et assez radical. J'ai d'abord considéré un passage par la Chine pour éviter le sud du Kirghizstan et rejoindre directement le nord : mais il est quasiment impossible d'obtenir un visa chinois ici, le consul n'étant pas d'humeur. Donc je me rabats sur l'Ouzbékistan, avec encore l'espoir de rejoindre Bishkek, la capitale du Kirghizstan, via une trajectoire qui, comment dire... risque de sortir réellement des sentiers battus !

Comme prévu, ma première semaine à Dushanbe ressemble à un marathon administratif : obtenir le permis d'aller visiter telle région, affronter le consul kirghize, un jeune loup aux dents longues qui s'épanouit pleinement dans un abus d'autorité, essayer d’arracher des explications au consul ouzbek... (Je m’interroge vraiment sur le profil des consuls : pourquoi leur capacité a être excécrable est-elle un critère de recrutement ? Ca m’intrigue...). Pour l'instant, je n'ai fait quasiment que ça.

Ou presque. Car cet après-midi, figurez-vous que j'ai eu l'extrême honneur d'être interviewée par « le plus grand journaliste du Tadjikistan » et son équipe. Eh oui, à peine arrivée, je suis déjà la mascotte du Monde local. C'est pas beau, ça ? Comment est-ce possible, me direz-vous ? Eh bien, le PPDA de la presse tadjike était assis à côté de moi dans l'avion, et nous avons bien sympathisé. Il s'appelle Akhbar (oui, comme Allah Akhbar), il dirige un groupe de presse, ou plutôt... le groupe de presse du pays, composé de 8 journaux. Dans l'avion, Akhbar m'avait demandé à une vingtaine de reprises de le rappeler lundi. Je l'ai donc appelé, et nous avons dîné ensemble.

Si je devais résumer Akhbar, je dirais que c'est un homme très cultivé, extrêmement lucide et ouvert d'esprit. Il porte un regard très réaliste sur l'exercice de son métier au Tadjikistan, et se décrit d'ailleurs comme un « businessman »... Sur tous les sujets que nous avons abordés (l'islam, l'immigration en France, etc.), j'ai apprécié son ton juste, mesuré, intelligent. Il ne parle pas l'anglais donc j'ai parfois malheureusement un peu galéré pour le comprendre, et surtout pour lui répondre, mais quel plaisir d'apprendre le russe avec de telles discussions !

En plus, si j'ai un quelconque souci dans le pays, je sais qui appeler... (le premier fonctionnaire zélé qui me cherche des problèmes est prévenu !). Il m’a même donné un telephone et une carte SIM pour que je puisse le joindre dans tous le pays... Vraiment adorable.

Aujourd'hui, j'ai eu droit à une petite interview dans les locaux du groupe, avec plusieurs journalistes et une interprète rassemblés pour l'occasion. Je ne résiste pas au plaisir de vous envoyer ce cliché pris à l'occasion de cet instant surréaliste de mon voyage :

De gauche a droite : moi, le jeune qui prend des notes, la dame qui ne diе rien, le Daniel Mermet tadjik, la jeune interprete, le poete-intello-qui-ressemble-a-Noel-Mamere.

Les questions ont porté sur tout et n'importe quoi. En vrac : pourquoi Paris est-elle une ville romantique ? Pourquoi, à Paris, les gens en terrasse sont-ils tous alignés face à la rue ? (une question de Akhbar qui revient de Paris et qui a été très frappé par notre façon de regarder la rue comme une scène de théâtre !) Pourquoi voyages-tu au Tadjikistan ? Avais-tu des connaissances sur le Tadjikistan avant de venir ? Que penses-tu de Nicolas Sarkozy ? Penses-tu qu'il vaut mieux envoyer des bombes ou de l'argent, en Afghanistan ? Que pense-t-on des musulmans, en France ? A quel âge se marrie-t-on ? Qu'est-ce que tu aimes boire ? Qu'est-ce que tu penses du voile ? Quel regard portes-tu sur la crise économique ? Quel est l'acteur le plus populaire en France ? Pourquoi Maupassant dit-il dans un de ses livres qu'il n'aime pas la Tour Eiffel ? …
Bref, des questions qui témoignaient d'une belle culture et d'une grande curiosité. J'imaginais la scène inverse : des journalistes Français interrogeant au pied levé un touriste tadjik de passage en France : « euh... c'est où, ce pays ? Ah... et c'est quoi la capitale du Ta...tzikistan ? Et vous êtes combien ? Y'a des villes connues chez vous ou... ? ». Bref, on aurait été loin de poser des questions sur les grands poètes tadjikes ou sur le Président !

Bon, le plus drôle, c'est que j'ai même réussi à parler du Piaf ! S'ils publient l'interview, avec un peu de chances, tout le Tadjikistan va entendre parler du Piaf, et ça, quand même, ce n’est pas rien...

4 commentaires:

  1. Mouhouhou trop rigolotes les questions ! J'avais jamais noté qu'on était tous face à la rue sur les terrasses...J'ai hâte de voir tes réponses ! Hey par contre, pourquoi que l'historique de tes posts va jusqu'en 2014...? Bisous !

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  2. Et bien bravo Miss Vuillaume, ambassadrice de France au Tadjikistan !! Ta mission : récupérer l'article et traduire le Piaf en Russe !
    Ca s'annonce bien ce voyage. Ca va être énooorme! C'est pas le PPDA de la presse écrite c'est le Lagardère tadjike sans doute en plus cultivé ...
    la bise grise de la ville morte
    adl

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  3. sachez, Madame, que le fan club "Mag on the road" est créé en Afghanistan.
    il est animé par un gars qui vous suit de près!
    bravo pour ce beau voyage, vivement la suite!!

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  4. M'sieur Bernard21 juin 2010 à 16:58

    E-N-O-R-M-E...

    tu seras gentille de nous traduire l'article qui fait de toi un porte drapeau bien plus sympathique que nos bleus boulets...
    Enjoy

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