6.8.05

Sivas (Turquie), le 6 août 2005

Dans le bus entre Ankara et Sivas, je fais la connaissance de Neziha. Après une très laborieuse conversation à base d’anglais, d’allemand et de turc, grammaticalement dramatique, elle me propose de rester dormir chez sa famille, à Sivas. J’accepte avec plaisir, et me retrouve quelques minutes plus tard au milieu d’une foule dansante : son neveu se fiance, et on débarque en pleine fête. Des jeunes filles survoltées me débarrassent de mon sac à dos et m’entrainent illico sur la piste de danse afin que l’on échange nos façons orientales ou occidentales de nous trémousser. Je dépasse toutes les filles d’une tête ou deux, et devient donc le nouveau centre de tous les regards. Autour de moi, une quarantaine de femmes sont assises et observent avec amusement les progrès de mon déhanchement oriental.

Après cette petite sauterie, nous sommes conviées chez le père de Neziha pour discuter en comité plus restreint. Le père est une sorte de dieu vivant, adoubé toutes les femmes de la famille. Après le décès de sa femme, il s’est remarié avec une fille de 25 ans, Aïshe, à qui il a fait un enfant. Neziha, plus âgée que sa belle-mère, a donc 29 ans d’écart avec son frère…

Je pense que j’ai le même âge qu’Aïshe : je suis en train de voyager librement sur la planète, elle est l’esclave d’un sexagénaire. Je contemple, sidérée, le gouffre qui peut séparer deux existences issues d’une même génération d’êtres humains. Un gouffre qui n’est pas matériel (la famille est relativement aisée) mais purement culturel.

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