11.8.05

Tabriz (Iran), le 11 août 2005

J’aime beaucoup mes compagnons de voyage. Toralf est un baroudeur professionnel qui ne vit que par et pour le voyage. Les discussions avec lui m’ont fait reprendre conscience du sens de mon expédition et de ma présence sur ce bout de terre. Une seule rencontre, et la motivation reprend des couleurs. C’est tellement simple… Katarina est une joyeuse trentenaire au rire peu discret. Elle sort son parapluie à la moindre goutte de pluie, le regard inquiet, alors qu’il y a quelques semaines elle se trouvait à quelques mètres d’un ours brun dans les montagnes turques. Malgré cette anomalie notoire, Katarina est un peu la voix de la raison qui canalise les pulsions de Toralf.

Le moral aidant, ma vision de l’endroit s’est totalement transformée. Les Tabrizis ne cessent de nous aborder pour nous proposer leur aide ou seulement pour parler quelques minutes. Un souvenir parmi d’autres : celui d’un jeune homme qui m’attendait sagement à la sortie de la Mosquée Bleue pour me demander : « excuse-me… can I speak to you ? ». Et de me poser quelques questions sur mes origines, mon voyage, ce que je pensais de Tabriz et de l’Iran. Une sorte d’interview « à chaud » façon sortie de conseil des ministres sur le perron de l’Elysée. Il a conclu par un charmant « il was nice to talk to you, thank you very much ». Cette conversation n’avait pas grand chose à voir avec le « what’s your name ? what are you doing tonight ? » turc ! La spontanéité parfois un peu lourde du Turc libéré contre la retenue parfois un peu excessive de l’Iranien très éduqué. Une espèce de finesse pleine d’interdits.

C’est étonnant comme les regards des Iraniens et des Iraniennes pétillent d’intelligence. Je n’avais jamais remarqué un tel phénomène, dans aucun pays. Les visages des femmes sont terriblement expressifs, souriants, vivants… Enfermées dans leur voile, leurs vêtements couvrants et un régime oppressant, elles n’ont que leur visage comme moyen d’expression, d’une colère, d’une joie ou d’une exaltation.

Je suis complètement fascinée. Cette liberté qui se lit dans leurs yeux mais qui n’existe pas dans leur vie… C’est quoi, la liberté ? N’est-ce pas cette volonté insouciante et indestructible de réaliser des désirs contradictoires ? Cette espèce de fausse naïveté romanesque et romantique qui crie qui rien n’est impossible même quand elle sait que ça l’est. Juste pour réveiller les consciences, raviver les flammes, rallumer le feu de la construction individuelle et collective et ne pas pourrir dans un tas de cendres.

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