25.8.05

Shiraz (Iran), le 25 août 2005

Après avoir quitté avec émotion Toralf et Katarina, je fais la connaissance, autour du tombeau d’Hafez, d’une jeune Iranienne de 20 ans : Samira. Impressionnée par mon voyage et mon indépendance, elle me pose énormément de questions : quand est-ce que je suis partie de chez mes parents ? Pourquoi est-ce qu’ils n’ont pas pu me suivre dans la ville où j’ai étudié ? Etc. Bref, elle voulait le mode d’emploi de la jeunesse occidentale. Elle m’invite à manger chez elle, où je rencontre toute sa famille. Nous passons l’après-midi à bavarder et boire du thé. Samira est clairement une néo-conservatrice, en phase avec le nouveau Président « parce qu’il n’a qu’une petite maison à Téhéran, il est humble ». J’essaie d’éviter le débat sur la religion car j’ai été obligée de dire que j’étais catholique, mais je n’y connais rien… Ma crainte, pendant ces quelques heures, c’est qu’elle me lance sur des questions théologiques ! Lorsque nous nous quittons le soir, je me sens frustrée et « fausse », j’ai l’impression de passer mon temps à mentir, et qu’une relation amicale sincère n’est pas possible dans ce pays. Car de quoi pourrais-je parler avec elle, si je laisse de côté tous les sujets susceptibles de la choquer ? Comment tenter d’expliquer qui je suis à quelqu’un rempli de tabous ? De son côté, elle s’enflamme : je vais lui manquer, ce jour est inoubliable, sa vie a changé depuis qu’elle m’a rencontrée, etc. Je suis touchée de ces mots et de ce lyrisme, mais profondément mal à l’aise.

23.8.05

Shiraz (Iran), le 23 août 2005

Dans un hammam reconverti en restaurant-concert, nous dégustons un délicieux dizi (ragoût de mouton aux légumes). Une occasion rare de voir des Iraniens s’enthousiasmer pour leur musique en agitant discrètement leurs têtes et leurs jambes. Ce peuple ne danse plus, le divertissement n’était pas le meilleur ami de la charia. C’est alors qu’un enfant se lève et se met à danser librement, au rythme de la musique. Il est seul, joyeux, en mouvement, au milieu de regards immobiles et envieux. Les gens l’admirent, sourient, regrettant peut-être le temps de cette insouciance. La scène est bouleversante.

22.8.05

Isfahan (Iran), le 22 août 2005

« La plus belle ville du monde musulman » selon les guides de voyage, et « la moitié du monde » selon un célèbre vers du XVIème siècle. Effectivement, la monumentale place de l’Imam est impressionnante et particulièrement vivante le soir où elle devient un lieu de balades et de rencontres presque intime. La beauté se cache un peu partout dans la ville, au détour d’une ruelle, dans un fond de cour, sous la forme de débris de mosaïques, de petites mosquées de quartier ou de ruines d’anciennes bâtisses.

Et des rencontres, toujours des rencontres… un homme, dans le quartier arménien, tout fier de nous inviter chez lui et de nous montrer ses chaînes de télé allemandes par satellite. Un jeune qui voulait « pratiquer un peu son anglais » mais surtout nous expliquer qu’Hitler n’était pas un mauvais gars… Une petite interview habituelle de 5 minutes top chrono avec les incontournables « where do you come from ? Do you like Iran ? What’s your job ? Can I have your e-mail adress ? ». Enfin, deux marchands de tapis très progressistes, ouverts et désabusés. Avec l’un d’eux nous avons beaucoup parlé des relations hommes-femmes. Il nous a expliqué être allé en Turquie à la recherche d’une femme parce qu’ici il n’est pas possible de « fréquenter » quelqu’un : si tu veux te marier avec une femme, tu as droit à deux ou trois discussions avec elle et ses parents dans le salon familial. Ce système produit bien évidemment énormément de désamour, de conflits, de malheur… Des femmes qui n’osent pas divorcer par crainte du regard des autres et de l’isolement, etc. Les gens veulent que ça change, mais comment ? Certes ils ont volé quelques libertés, par exemple en osant se parler dans la rue sans être mariés (ce qui n’était pas envisageable il y a 5 ans), mais les mollahs viennent toujours faire quelques razzias certains soirs sur la place de l’Imam pour punir les femmes de ce comportement inadmissible.

Et puis le patron du magasin, avec sa vieille tête d’instituteur, son regard lucide sur le monde, qui a commencé son propos sur la politique américaine en Iran par « il ne faut pas croire les médias ». Puis il s’est lui aussi lancé sur le sujet des relations hommes-femmes. Il nous a expliqué qu’au sein du peuple iranien, la femme était profondément respectée, que pour lui il n’y avait pas de différence, que le port du voile était "stupide", et que dans son foyer les tâches ménagères étaient partagées. Le mystère est le suivant : combien y a-t-il d’hommes qui tiennent ce discours dans ce pays ?

16.8.05

Qazvin (Iran), le 16 août 2005

A Qazvin nous avons rencontré Mohammed, un étudiant en électronique qui a été accepté dans la meilleure université de Floride en 2004 mais qui n’a pas pu obtenir son visa pour raison de tensions diplomatiques. Sa sœur, Leila, parle un anglais impeccable et nous a lancés sur le vaste sujet des mœurs… D’une nature très curieuse, comme la plupart des Iraniens, elle se pose un tas de questions sur la jeunesse occidentale, l’amour « libre », l’homosexualité, le sida, la musique, la famille, etc. Tout y est passé. On sentait chez elle une sorte de fascination mêlée à une franche incompréhension, qui résumait assez bien toutes les contradictions de la jeunesse iranienne progressiste. Prête à toutes les questions, mais pas prêtes à toutes les réponses… Elle avait un regard assez impitoyable sur le peuple iranien : pour elle, le pire peuple de cette planète… Selon elles, les gens qui nous accueillent le font par curiosité malsaine, pas par un sens développé de l’accueil. Ils sont « double-faced », menteurs, alors que nous, Occidentaux, nous serions sincères, honnêtes, intègres. Hum. Cela dit, je perçois ce qu’elle entend par « double-faced » : le pire et le meilleur de l’humanité dans un même peuple. La plus grande finesse d’esprit et la plus grande fermeture parfois, le gentleman poli et le gros lourd pervers, etc. On ne sait jamais à quoi s’attendre, on ne sait pas si on doit se méfier, on ne sait pas quelle attitude adopter.

12.8.05

Bus Tabriz-Bijar (Iran), le 12 août 2005

Ahhh… ces incontournables petites vieilles qui te chouchoutent dans le bus ! Toujours adorables, mais un peu trop protectrices, elles te regardent d’un air attendri, t’informent que le bus s’arrête quand il est déjà arrêté, te donnent des gâteaux (et ne te lâchent pas tant que tu n’es pas arrivée au bout du paquet), et ont bien du mal à comprendre qu’il est possible et humain de ne pas comprendre un mot de fârsi… Aujourd’hui, ces petites vieilles m’ont même prise pour la fille de mes compagnons de voyage allemands…

11.8.05

Tabriz (Iran), le 11 août 2005

J’aime beaucoup mes compagnons de voyage. Toralf est un baroudeur professionnel qui ne vit que par et pour le voyage. Les discussions avec lui m’ont fait reprendre conscience du sens de mon expédition et de ma présence sur ce bout de terre. Une seule rencontre, et la motivation reprend des couleurs. C’est tellement simple… Katarina est une joyeuse trentenaire au rire peu discret. Elle sort son parapluie à la moindre goutte de pluie, le regard inquiet, alors qu’il y a quelques semaines elle se trouvait à quelques mètres d’un ours brun dans les montagnes turques. Malgré cette anomalie notoire, Katarina est un peu la voix de la raison qui canalise les pulsions de Toralf.

Le moral aidant, ma vision de l’endroit s’est totalement transformée. Les Tabrizis ne cessent de nous aborder pour nous proposer leur aide ou seulement pour parler quelques minutes. Un souvenir parmi d’autres : celui d’un jeune homme qui m’attendait sagement à la sortie de la Mosquée Bleue pour me demander : « excuse-me… can I speak to you ? ». Et de me poser quelques questions sur mes origines, mon voyage, ce que je pensais de Tabriz et de l’Iran. Une sorte d’interview « à chaud » façon sortie de conseil des ministres sur le perron de l’Elysée. Il a conclu par un charmant « il was nice to talk to you, thank you very much ». Cette conversation n’avait pas grand chose à voir avec le « what’s your name ? what are you doing tonight ? » turc ! La spontanéité parfois un peu lourde du Turc libéré contre la retenue parfois un peu excessive de l’Iranien très éduqué. Une espèce de finesse pleine d’interdits.

C’est étonnant comme les regards des Iraniens et des Iraniennes pétillent d’intelligence. Je n’avais jamais remarqué un tel phénomène, dans aucun pays. Les visages des femmes sont terriblement expressifs, souriants, vivants… Enfermées dans leur voile, leurs vêtements couvrants et un régime oppressant, elles n’ont que leur visage comme moyen d’expression, d’une colère, d’une joie ou d’une exaltation.

Je suis complètement fascinée. Cette liberté qui se lit dans leurs yeux mais qui n’existe pas dans leur vie… C’est quoi, la liberté ? N’est-ce pas cette volonté insouciante et indestructible de réaliser des désirs contradictoires ? Cette espèce de fausse naïveté romanesque et romantique qui crie qui rien n’est impossible même quand elle sait que ça l’est. Juste pour réveiller les consciences, raviver les flammes, rallumer le feu de la construction individuelle et collective et ne pas pourrir dans un tas de cendres.

10.8.05

Tabriz (Iran), le 10 août 2005

Voilà, j’y suis… j’ai passé cette frontière tant redoutée.
Le plus compliqué a été de trouver le minibus en partance pour le poste-frontière, qui était planqué dans une petite rue de Dogubayazit. Ensuite, mettre son foulard flambant neuf, et marcher en s’arrêtant tous les 10 mètres pour présenter son passeport ou son sac. Puis subir le harcèlement traditionnel des vendeurs de devises et des chauffeurs de taxi.

Dans le bus pour Tabriz, j’ai rencontré Toralf et Katarina, un couple d’Allemands sympathique et détendu avec lequel je vais certainement passer quelques jours. Le moral remonte doucement. Mais pour l’instant, Tabriz me donne la même sensation paranoïaque que Dogubayazit : les regards insistants, qui me pèsent, qui m’agressent parfois… Je me sens agressée, je m’agresse toute seule, sans doute, je me sens fatiguée, pas assez forte pour apprécier cette confrontation culturelle, pas assez forte pour garder mon calme quand on m’interpelle avec insistance dans la rue… Il faut que je dorme, il faut que je me détende…

9.8.05

Dogubayazit (Turquie), le 9 août 2005

Je me sens mal à l'aise dans cette ville. Les femmes sont toutes voilées, et les regards sont plus insistants, plus agressifs, ce qui ne me rassure pas sur l’ambiance qui peut régner de l’autre côté de la frontière, en Iran. Je franchis cette frontière demain. Je sens une boule qui pèse dans mon ventre, et qui remonte parfois vers ma gorge.

Le palais d’Ickchar Pasa, magnifiques ruines blotties dans les montagnes, offre une belle vue sur le mont Ararat.

7.8.05

Erzurum (Turquie), le 7 août 2005

Je débarque à Erzurum à 1h du matin. L’hôtel « bon marché » de mon guide s’est transformé en 3 étoiles, mais en négociant bien je parviens à décrocher une chambre pour 3 ou 4 euros de plus que mes hôtels pourris habituels. Du luxe version abordable, que demander de plus… !

Lors du petit déjeuner, je sympathise avec un salarié de l’hôtel, également étudiant en géographie à Trabzon. Il m’accompagne une partie de la journée dans mes pérégrinations « administrativo-pratiques » (banque, horaires de bus pour l’étape suivante, etc.). Plus tard dans la journée je rencontre Mustafa, vendeur en informatique, qui me dégote un café internet. Puis je rentre à l’hôtel, où un certain Ali m’invite à prendre le thé. Je plie bagages, j’arrête un bus en direction de la gare et le chauffeur ne veut pas que j’achète un ticket. Pour finir, en descendant du bus, un homme en costard me prend en charge et m’accompagne jusqu’au guichet de la gare routière.

Cette petite série d’anges gardiens qui se succèdent pour rendre ma journée des plus agréables est un magnifique condensé d’hospitalité turque.

6.8.05

Sivas (Turquie), le 6 août 2005

Dans le bus entre Ankara et Sivas, je fais la connaissance de Neziha. Après une très laborieuse conversation à base d’anglais, d’allemand et de turc, grammaticalement dramatique, elle me propose de rester dormir chez sa famille, à Sivas. J’accepte avec plaisir, et me retrouve quelques minutes plus tard au milieu d’une foule dansante : son neveu se fiance, et on débarque en pleine fête. Des jeunes filles survoltées me débarrassent de mon sac à dos et m’entrainent illico sur la piste de danse afin que l’on échange nos façons orientales ou occidentales de nous trémousser. Je dépasse toutes les filles d’une tête ou deux, et devient donc le nouveau centre de tous les regards. Autour de moi, une quarantaine de femmes sont assises et observent avec amusement les progrès de mon déhanchement oriental.

Après cette petite sauterie, nous sommes conviées chez le père de Neziha pour discuter en comité plus restreint. Le père est une sorte de dieu vivant, adoubé toutes les femmes de la famille. Après le décès de sa femme, il s’est remarié avec une fille de 25 ans, Aïshe, à qui il a fait un enfant. Neziha, plus âgée que sa belle-mère, a donc 29 ans d’écart avec son frère…

Je pense que j’ai le même âge qu’Aïshe : je suis en train de voyager librement sur la planète, elle est l’esclave d’un sexagénaire. Je contemple, sidérée, le gouffre qui peut séparer deux existences issues d’une même génération d’êtres humains. Un gouffre qui n’est pas matériel (la famille est relativement aisée) mais purement culturel.

3.8.05

Göreme (Turquie), le 3 août 2005

Je me suis sédentarisée en Capadocce depuis une semaine. La Capadocce, je ne l’ai pas vécue en touriste, je l’ai vécue. En accéléré. J’y ai des amis, Can et Mustafa, ma cantine (le restaurant où bosse Can), mes habitudes : lever 13h, petit déjeuner au resto, ballade en fin de journée, repas, et tournée des bars en soirée avec mes amis. Des habitants me saluent, me demandent parfois si je sais où se trouve un tel, ou ce que je vais faire de ma journée. Et j’ai eu deux propositions d’emploi dans des restaurants.
Bref, il est temps que je parte.

26.7.05

Ankara-Konya (Turquie), le 26 juillet 2005

Je me lève, le maître d’hôtel m’offre le petit dej dans le salon. Peu à peu, des gens s’approchent de moi et je me retrouve au centre d’une mystérieuse conversation en turc. Tous les regards sont braqués sur moi. Je sens bien que je dois m’exprimer. J’ai l’impression d’être un ministre qui sort sur le perron de l’Elysée après une réunion de la plus haute importance : la foule de micros attend une déclaration, n’importe laquelle. « Istanbul, j’adore, mais Ankara, c’est pas terrible ». Je ne pouvais pas trouver mieux pour déclencher un vaste débat sur une question sensible et insoluble : quelle est la vraie capitale de la Turquie ? J’attends que les esprits se calment en avalant une généreuse part de brioche locale et en sirotant mon thé, puis je m’éclipse.

Arrivée à Konya, je rencontre Ali, un instituteur qui parle très bien français. Je passe un après-midi passionnant en sa compagnie, puisqu’il me guide dans toute la ville, m’entraine dans le musée archéologique de la ville, m’éclaire sur toutes les périodes de l’histoire turque. Nous voyageons dans l’empire romain, dans l’empire seldjoukide dont Konya était la capitale, dans l’empire ottoman… pour finir par disserter autour d’un thé sur la religion, l’amour, l’évolution des mœurs, etc. Ali est un musulman qui ne trouve pas particulièrement choquant que l’homme soit autorisé à avoir 4 femmes. Mais Ali est aussi un turc qui est contre le voile, pour la libération de la femme, ou plus exactement : pour que l’homme puisse se rincer l’œil.

25.7.05

Ankara (Turquie), le 25 juillet 2005

Très fatiguée après une nuit dans un bus, sans fermer l’œil. Trop faible pour prendre les transports en commun. Evidemment, le chauffeur de taxi me fait croire que son compteur ne marche pas, évidemment il me fait payer le double, évidemment il me dépose devant l’hôtel Firat, et non l’hôtel Ferah. Trop crevée pour rectifier le tir, je me retrouve dans une chambre pleine de cafards, mes grands amis.

J’arpente ensuite Ankara pendant 6 heures pour trouver l’ambassade d’Iran, dans le but de récupérer mon visa. Ankara est une ville insupportable, bruyante, étouffante, stressante. Ou est-ce moi, qui m’insupporte, qui entend des bruits, qui étouffe et qui stresse ? L’ambassade n’a pas mon visa puisqu’elle n’a pas reçu de demande. Je passe quelques coups de fil en France, je rentre à l’hôtel, épuisée.

23.7.05

Pergame (Turquie), le 23 juillet 2005

Certaines journées ne sont qu’un ruissellement d’imperfections et d’incompréhensions qui attaquent doucement les nerfs. Je me lève, ma logeuse mal réveillée se montre des plus désagréables. Mon petit dej est une lutte de tous les instants contre des guêpes mal intentionnées et des mouches collantes. Après une longue attente, je me retrouve dans un bus direction Pergame. Je discute laborieusement en allemand avec ma voisine. Après 3 heures et demi de conversation, je ne sais toujours pas d’où elle vient ni où elle va. Je sais juste que sa famille est en Allemagne, que son mari est malade, qu’elle partage son temps entre la Russie et l’Allemagne et qu’elle voyage depuis de nombreuses heures déjà. Lors de la pause déjeuner, nous nous attablons ensemble comme deux vieilles copines inséparables. Elle me donne le numéro de son fils qui travaille dans le tourisme à « Alagna » : je ne sais absolument pas où ça se trouve, ni même dans quel pays, mais bon il paraît que c’est très beau alors il faut que j’y aille et que j’embrasse son fils pour elle. Mon guide m’informe que cette « Alagna » pourrait fort bien être « Alanya », sur la côte turquede la Méditerranée.

Le bus me jette ensuite au beau milieu d’un carrefour, parce qu’en fait, Pergame, ce n’était pas vraiment sur sa route. A peine ai-je empoigné mon sac et amorcé un début de réflexion sur la direction à prendre pour rejoindre la ville qu’un taxi est déjà arrêté devant moi. Evidemment, il veut m’emmener à la pension de son ami, mais non, je veux aller à l’Acroteria Pension. Dialogue de sourds. Il finit par céder, mais se venge ensuite sur le prix. Premier conflit avec un taxi…

Je cherche un site, je ne le trouve pas, je cherche un café Internet, je n’en trouve pas. Je souhaite prendre un billet de train pour Ankara demain soir, il n’y a plus de place. Dans ces cas-là, on rentre sagement à son hôtel et on médite profondément sur des proverbes égéens : « l’herbe pousse sur sa racine »…

A 19h15, je croise la route de Clément, un lillois perdu dans les rues de Pergame.

22.7.05

Assos (Turquie), 22 juillet 2005

Contemplation. Un paysage idyllique, d’une sérénité à toute épreuve. La mer ressemble à l’un de ces gros matelas moelleux dans lesquels on a une irrésistible envie de se jeter. La côte est une main tendue vers moi. Je suis au sommet de la colline d’Assos, au cœur des ruines du temple d’Athéna. Il y a comme une atmosphère d’inébranlable, qui défie le temps.

Assos est un village très paisible. Les touristes, turcs pour la plupart, déambulent devant des petites vieilles et des petits vieux assis devant leur stand de souvenirs mais qui ne vendent presque rien. Les quelques restaurants sont vides, ce qui ne met pas forcément très à l’aise. Le serveur n’a rien d’autre à faire que de te regarder manger et toi tu n’as rien d’autre à faire que de regarder ton assiette… ou le serveur, mais c’est plus risqué.

21.7.05

Assos (Turquie), 21 juillet 2005

Assos, un petit village de pierres dominant la mer Egée du haut de son imposante falaise. Arborant fièrement un drapeau turc en son point culminant, il semble faire un pied-de-nez à l’île grecque d’en face (Lesbos) et à l’histoire.

L’endroit idéal pour commencer le récit d’un voyage sans fin. Un voyage pour quoi, me direz-vous ? Un voyage pour toucher des frontières. Celles des nations, celles des religions, celles de l’homme, celles du Moi, les miennes… Une exploration, certainement plus intérieure que touristique. Un voyage pour oublier, pour m’oublier. Un départ pour revenir, un détachement extrême pour mieux m’attacher, un voyage de nomade pour une vie de sédentaire. Glisser sur la terre, sans jamais m’agripper aux branches. Etre touchée, émue, séduite par des endroits, des rencontres. Puis les quitter, poussée par le seul désir de la découverte et n’obéissant qu’à ma propre liberté.

J’ai quitté la douce folie d’Istanbul. Istanbul… qui dégage une atmosphère à la fois paisible et envoûtante, malgré les 15 millions d’habitants qui conduisent comme s’ils faisaient une partie géante d’auto-tamponneuses. Des minarets pointés vers le ciel, des mosquées rougissantes au coucher du soleil, une dense déambulation de visages contemplatifs, eux-mêmes contemplés par des visages assis qui boivent du thé sur des petits tabourets soigneusement alignés dans la rue à cet effet.

Me voici seule, désormais, seule devant un espace infini, une temporalité nouvelle, une route inconnue. Me voici au moment exact où le voyage se distingue des vacances.